L'actualité mondiale Un regard humain
L'hôpital indonésien du nord de Gaza a été attaqué en novembre (photo d'archives).

« Zone de catastrophe humanitaire » : la capacité hospitalière de Gaza est décimée, selon l’OMS

© WHO
L'hôpital indonésien du nord de Gaza a été attaqué en novembre (photo d'archives).

« Zone de catastrophe humanitaire » : la capacité hospitalière de Gaza est décimée, selon l’OMS

Paix et sécurité

Le dernier hôpital à peine fonctionnel dans le nord de Gaza est une « zone de catastrophe humanitaire », a déclaré mardi l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), soulignant les conséquences désastreuses des bombardements israéliens pour les civils gravement malades et blessés dans l'enclave.

S'adressant à des journalistes à Genève depuis Gaza, le Dr Richard Peeperkorn, Représentant de l'OMS dans le territoire palestinien occupé, a décrit les couloirs débordant de patients traumatisés à l'hôpital Al-Ahli de la ville de Gaza, où les médecins soignent les gens à même le sol et où le carburant, l'oxygène, la nourriture et l'eau sont rares.

En seulement 66 jours de combats, la bande de Gaza est passée d'un « système de santé qui fonctionne raisonnablement » et qui produit des indicateurs de santé « comparables à ceux des pays voisins » à une situation où plus des deux tiers de ses 36 hôpitaux et plus de 70% des établissements de soins de santé primaires sont hors service, a précisé le Dr Peeperkorn. 

Le porte-parole de l'OMS, Christian Lindmeier, a déclaré aux journalistes à Genève que l'hôpital Kamal Adwan – également dans le nord – était « évacué de force » ce mardi matin, selon les autorités sanitaires de Gaza. Quelque 68 patients, dont 18 en soins intensifs et six nouveau-nés, se trouveraient sur le site, aux côtés de milliers de personnes déplacées en quête de sécurité. L'hôpital est encerclé par les troupes et les chars israéliens depuis des jours, et des affrontements armés ont été signalés à proximité, a indiqué le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l'ONU, OCHA. Lundi, la maternité de l'hôpital aurait été touchée par un bombardement et deux mères auraient été tuées.

Des civils, dans la ville de Rafah, dans la bande de Gaza, fuient une attaque de missile.
© UNICEF/Eyad El Baba
Des civils, dans la ville de Rafah, dans la bande de Gaza, fuient une attaque de missile.

Une mission marquée par de « graves incidents »

Alors que les besoins humanitaires sont très élevés dans le nord dévasté de Gaza, l'hôpital Al-Ahli manque cruellement de personnel, a souligné le Dr Peeperkorn, avec plus de 200 patients mais seulement assez de ressources pour en prendre en charge 40. Incapable de réaliser des opérations vasculaires, le personnel pratique des amputations de membres « en dernier recours pour sauver des vies ».

Samedi dernier, un convoi dirigé par l'OMS et le Croissant-Rouge palestinien a été confronté à de « graves incidents » lors d'une mission visant à livrer des fournitures médicales à 1.500 patients de cet hôpital et à en transférer 19 dans un état critique et leurs proches au complexe médical Nasser dans le sud de Gaza, a annoncé l'agence de santé de l'ONU.

Le Dr Peeperkorn a décrit les nombreux obstacles rencontrés par cette mission, y compris les inspections au poste de contrôle militaire israélien de Wadi Gaza, sur la route du nord, où deux membres du personnel du Croissant-Rouge palestinien ont été détenus pendant plus d'une heure. Selon un communiqué publié mardi par l'agence de santé de l'ONU, « le personnel de l'OMS a vu l'un d'entre eux s'agenouiller sous la menace d'une arme à feu, puis être emmené à l’abri des regards, où il aurait été harcelé, battu, déshabillé et fouillé ».

Le médecin de l'OMS a rappelé que « personne ne peut être détenu lorsqu'il fait partie d'une mission médicale » et indiqué que de telles missions humanitaires vitales « ne peuvent se permettre aucun retard ».

Le Dr Peeperkorn a déclaré qu'en arrivant dans le nord de Gaza, qui « ressemble maintenant à un terrain vague », les humanitaires ont vu de nombreuses personnes dans la rue surprises par le convoi, car il y avait très peu d'accès d'aide au nord de l'enclave depuis des mois.

Des bébés secourus à l'hôpital Al Shifa, au nord de Gaza, sont soignés dans un hôpital de Rafah, au sud de l'enclave (photo d'archives).
© UNICEF/Eyad El Baba
Des bébés secourus à l'hôpital Al Shifa, au nord de Gaza, sont soignés dans un hôpital de Rafah, au sud de l'enclave (photo d'archives).

Des retards mortels

En entrant dans la ville de Gaza, le camion avec les fournitures médicales et l'une des ambulances qui faisaient partie du convoi ont été touchés par des balles, a indiqué l'OMS, et sur le chemin du retour vers le sud de Gaza, avec les patients de l'hôpital Al-Ahli à bord, « le convoi a de nouveau été arrêté au même point de contrôle, où le personnel du Croissant-Rouge palestinien et la plupart des patients ont dû quitter les ambulances pour des contrôles de sécurité ». 

Tweet URL

Les patients dans un état critique qui se trouvaient encore dans les ambulances ont été fouillés par des soldats armés, et l'un des deux membres du personnel du Croissant-Rouge palestinien temporairement détenu plus tôt a été emmené pour interrogatoire une deuxième fois. D'importants retards ont été constatés et « le Croissant-Rouge palestinien a signalé par la suite qu'au cours du processus de transfert, l'un des patients blessés est décédé des suites de ses blessures non soignées », selon l'OMS.

Après sa libération plus tard dans la nuit, « après des efforts conjoints de l'ONU », le membre du personnel du Croissant-Rouge palestinien a déclaré qu'il avait été battu et humilié, et qu'il avait été ensuite laissé sur la route à devoir « marcher vers le sud, les mains toujours attachées derrière le dos, et sans vêtements ni chaussures ».

Le chef de l'OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, a exprimé mardi sur la plateforme sociale X son inquiétude face aux « contrôles et détentions prolongés des agents de santé qui mettent en danger la vie de patients déjà fragiles ».

« Les habitants de Gaza ont le droit d'accéder aux soins de santé », a-t-il insisté. « Le système de santé doit être protégé. Même en temps de guerre ».

Augmentation massive des maladies

L'ampleur des déplacements dans la bande de Gaza - où quelque 1,9 million de personnes, soit la grande majorité de la population, ont été forcées de fuir leurs maisons - et les conditions dans les abris surpeuplés ont entraîné une augmentation massive des maladies, a déclaré le Dr Peeperkorn, avec 60.000 cas de diarrhée chez les enfants de moins de cinq ans et plus de 160.000 cas d'infections respiratoires aiguës signalés. La gale, les éruptions cutanées, la varicelle et même la méningite sont en augmentation, ainsi que les traumatismes graves et les blessures à la colonne vertébrale.

Pendant ce temps, les agents de santé manquent de produits de première nécessité et sont « complètement préoccupés par la sécurité de leurs familles ».

Le responsable de l'agence de santé des Nations Unies a souligné qu'il était impératif de rendre le système de soins de santé primaires à nouveau fonctionnel et de rétablir la santé maternelle et infantile, les soins obstétricaux, le traitement des maladies non transmissibles, l'oncologie et le soutien en santé mentale notamment.

Plus de lits d'hôpitaux à Rafah

Dans le sud, que le Dr Peeperkorn a qualifié d'« épine dorsale » du système de santé de Gaza, le Croissant-Rouge palestinien a entamé lundi les préparatifs en vue de la création d'un hôpital de campagne en collaboration avec le Croissant-Rouge du Qatar, dans le gouvernorat de Rafah. L'OMS a déclaré que l'hôpital devrait disposer de 50 lits, dont une salle d'opération, une unité de soins intensifs et une unité de radiologie. 

L'agence de santé de l'ONU a souligné l'importance d'augmenter la capacité hospitalière dans l'enclave. Selon les autorités sanitaires de Gaza, seul un pour cent des Palestiniens blessés dans les hostilités, soit environ 400 personnes, ont jusqu'à présent été évacués à l'extérieur de Gaza par le poste-frontière de Rafah pour être hospitalisées.

Près de 50.000 personnes ont été blessées à Gaza depuis le 7 octobre et quelque 8.000 d'entre elles ont besoin d'une « intervention médicale urgente et immédiate », a indiqué l'OMS.